Avec Taoufik JEBALI, il ne faut pas chercher de sens direct dans une oeuvre d'agitation délirante qui n'est rien d'autre qu'un renversement des significations et des formes. Cet artiste gênant n'hésite pas à emmener le langage scénique jusqu'à ses potentialités ultimes, à la recherche d'un autre sens. Le monde de Jebali exprime l'inutilité des choses et l'absurdité de l'existence. Son théâtre tourne autour de la crise de l'expression, de la difficulté de dire et de l'impossibilité de communiquer. Le public pourra voir deux faces de son expérience : entre l’élitisme de Femtalla et la veine populaire de Klem Ellil, les formes varient mais la préoccupation est une. Klem Ellil est une comédie-spectacle qui concilie entre la recherche esthétique et la volonté d'atteindre le plus grand cercle de spectateurs, dans un style plus «populaire», peut-être, mais sans faire de concession. Jebali tire la matière de son spectacle (qui fait partie d'une série présentée régulièrement à Tunis sous le même titre générique) du fait politique ou social lui-même, combinant entre le cabaret berlinois, le happening surréaliste, et la satire des us et coutumes. Quelque part entre Woody Allen et Arrabal. Ou entre Ziad Rahbani et Raymond Gébara... Klem Ellil ne représente qu'une facette du théâtre de Taoufik Jebali. Cette expérience - bien qu'elle inclut des éléments essentiels de sa construction scénique et de son approche de la célébration reste "une récréation théâtrale", un genre que Jebali utilise de temps en temps pour sortir du laboratoire à la place publique. Mais l'essence de l'expérience réside dans des oeuvres qui sont une recherche sur le style, un questionnement de l'art théâtral comme langue, moyen de communication et d'expression. Le problème de la forme se pose avec insistance à cet homme de théâtre d'exception: les solutions qu'il apporte le mettent aux antipodes de tout ce qui se présente dans le théâtre arabe, et lui font tendre des passerelles secrètes avec les expériences les plus avant-gardistes sur la scène 'internationale.